Coca Raymi: le festival sacré de la coca

Coca Raymi: le festival sacré de la coca


Quand je vivais à Quillabamba, une ville du département de Cusco, j’ai entendu parler du Coca Raymi. En quechua, le mot «raymi» signifie «fête», donc on parle ici de la fête de la coca.


La feuille de coca, c’est quoi?


C’est une plante qui pousse en abondance dans les Andes. Son arbuste est mince et la cocaïne est extraite de ses feuilles vertes, ce qui provoque des controverses autour de sa consommation. Toutefois, la feuille de coca fait partie des traditions millénaires des populations locales. Par exemple, les personnes qui travaillent dans les champs la mâchent pour ne pas sentir la fatigue et la faim. C’est également utilisé pour ses propriétés médicinales. Quand j’avais mal à la tête, la mère de ma famille d’accueil me disait toujours de prendre un thé à la coca. C’est très facile d’en trouver, étant donné que c’est vendu pas mal partout. Au marché, on peut acheter les feuilles directement dans de gros sacs de jute.

Des plantations de coca au loin


Le Coca Raymi, c’est quand?


Le Coca Raymi où nous sommes allés était le dimanche 2 février 2020 et a commencé à 9h (heure latino, bien sûr). Il y a plusieurs festivals, mais celui-ci en était à sa deuxième édition et il était situé entre les villages de Hatunpampa et Ccochapampa.


Comment se rendre au festival?


Pour se rendre aux villages de Hatunpampa et Ccochapampa, c’est environ une heure de voiture de Quillabamba. Mais comme on savait pas trop on s’en allait où, on s’est levés full tôt pour partir à 6h30am. Et vu que ma mère d’accueil était réveillée pour aller acheter du pain, elle nous a emmenés au terminal de Santa María et nous a trouvé une convi. Merci! Ça coûte 4 soles (1,30 $ CAD) de Quillabamba à Santa María.

Une fois à Santa María, un monsieur nous a proposé de nous emmener à Hatunpampa pour 5 soles. On s’entend que c’est un prix de touriste (le village est à environ 10 minutes), mais comme on voulait arriver vite, on n’a pas négocié avec lui.


Qu’est-ce que tu dois emmener?


J’ai apporté des collations (en cas d’effondrement, on attend parfois beaucoup dans la voiture!), de l’eau et ma petite laine. Oublie pas ta crème solaire, de l’argent et beaucoup d’eau!

Le site du festival dans les montagnes


C’est l’heure d’explorer!


Situé sur la cime des montagnes, le site du festival était finalement plus proche qu’on pensait. Les organisateurs étaient à peine en train de monter les tentes. C’est sûr, il était juste 7h40am! Dans la catégorie de «kessé que je fais ici…»

Mais bon, mieux vaut tôt que tard! Anyways, le matin, les nuages qui couvrent les montagnes sont juste sublimes. Ça a tellement son charme… Ça valait la peine d’arriver tôt, même si je pense que tout le monde était un peu surpris de nous voir débarquer à 7am, hahaha.

Comme on avait du temps sur les mains, on a décidé de gravir la montagne. On s’est promenés dans les champs de coca et de maïs, puis on est retournés au site vers 9am. Y’avait déjà plus de monde (mais pas vraiment de touristes) et on a eu des chaises pour s’asseoir. C’est juste la deuxième année qu’ils font le Coca Raymi, faque c’est quand même nouveau! Je pensais qu’ils faisaient ça depuis des années! J’ai demandé si on pouvait prendre des photos et ils m’ont dit «bin sûr, c’est fait pour ça, un festival!».


Course de chaskis


Finalement, l’événement a commencé à 9h30am avec une course de chaski. Le mot «chaski» a deux significations. C’est soit une sandale en caoutchouc ou soit les coureurs hautement entraînés qui apportaient des messages d’un endroit à l’autre dans l’empire Inka. Un peu comme les Aztèques au Mexique! Les chaskis portaient toujours une trompette d’escargot (pour annoncer leur arrivée et alerter leur relève), un kipu (où étaient les informations) et un sac (où ils apportaient des objets). En plus de la trompette d’escargot, un panache de plumes blanches servait à les identifier. On dit qu’un escargot de la Colombie arrivait à l’Inka de Cusco vivant.

Pendant la course, on voyait bin que tout le monde avait des sandales chaskis aux pieds. Y’avait aussi des femmes qui couraient! Et bin honnêtement, aucun des coureurs était full jeune. Tout le monde devait être dans la quarantaine! Mais ils sont tellement en forme! Plus que moi, en tout cas…

Après la course, tous les représentants des autorités sont montés sur le stage. Le maire, le député, le professeur, l’avocat… Et je vous dis qu’ils parlent longtemps! Même si je suis vénézuélienne, j’en finis plus de m’habituer à tous les protocoles de l’Amérique Latine.

Après ça, c’était quand même drôle, parce que le maire est venu prendre une photo avec nous. La «représentation internationale» du festival. Même si on avait juste dit au chauffeur qu’on était canadiens, je vous jure qu’en moins d’une demi-heure le festival au complet le savait. Le mot court vite.


Miss Coca 2020


Une fois tous les remerciements terminés, y’était temps pour le concours «Miss Coca 2020» et «Miss Señorita Coca 2020»! Dans la catégorie «Miss Coca», cinq participantes ont défilé en tenue traditionnelle et ont donné des feuilles de coca au maire. J’ai vraiment ri, parce que le présentateur était un vrai p’tit sac à blagues! Il disait «ici avec nous Miss Palomina, 1.75m de haut», mais c’était pas vraiment vrai! La plus jeune avait 45 ans et la plus âgée 68 ans. Pis dans la catégorie «Miss Señorita», y’avait juste une participante, faque elle a gagné par défaut.

Les candidates devaient aussi répondre à des questions sur la coca. Par exemple, «ça sert à quoi» ou «c’est cultivé où». Et il faut dire que l’événement était complètement bilingue, en espagnol et en quechua! J’ai pas tout compris, mais c’était vraiment impressionnant de voir les deux langues alterner. J’ai compris les mots «hampi», qui veut dire médecine, et «imatah», qui veut dire c’est quoi ça. Au moins, mes cours de quechua sur YouTube m’ont servi à de quoi.

Tout le monde avait pas mal le même discours. Que la feuille de coca est le gagne-pain de nombreuses familles de la région et la seule source de revenus pour plusieurs. Que grâce à la coca, les enfants ont pu aller à l’école et devenir des professionnels. Que la coca est une tradition ancienne qui doit être défendue pour le patrimoine culturel. Que la coca guérit de nombreuses maladies et a de nombreuses propriétés. Quand ils parlaient en quechua, je les entendais dire «États-Unis» et «drogues«. Faut savoir lire entre les lignes.

Y’avait aussi des représentants syndicaux qui disaient «coca ou la mort!» et les gens répondraient «on vaincra!». Oh, well…


Mise en scène du Coca Raymi


Après le concours, c’était l’heure de la mise en scène du Coca Raymi. Environ 50 personnes étaient habillées de façon traditionnelle et jouaient de la musique andine avec des flûtes et des tambours. On jetait des pétales de fleurs, dansait, faisait semblant d’être des guerriers, allumait un feu de cérémonie. C’était vraiment beau! Et les costumes étaient spectaculaires, pleins de couleurs! Pour tout filmer, ils ont même emmené un drone!

Le chaman s’est ensuite approché de nous et nous a donné un tas de feuilles de coca dans les mains. Il nous a fait signe de les manger, alors j’en ai mis dans ma bouche. C’est un goût amer et prononcé. On était pas sûrs de s’il fallait l’avaler ou pas après l’avoir mâchée. Mon ami l’a avalé, lui, mais j’ai pas vraiment osé. En revenant à la maison, j’ai demandé à ma mère d’accueil s’il fallait l’avaler, mais elle a dit non, hahaha! On mâche, puis on recrache la veine! Oups!

À un autre moment de la cérémonie, une madame nous a aussi distribué de la chicha au maïs. Avec un verre commun, bien sûr! J’ai pris le verre qu’elle me tendait et j’ai goûté (c’est délicieux, ça goûte un peu comme la limonade!). Quand je lui ai re-tendu le verre, elle m’a dit «tout«, alors glou, glou, gou! C’était vraiment trop, on aurait dit que le verre avait pas de fond.


Une p’tite pause pour faire un tour


La mise en scène étant très longue, ils ont fait une pause et on en a profité pour faire le tour des kiosques. Il y avait même un concours de gastronomie! On a goûté au gâteau et à la gelée de coca. Super bon, au coût de 1 sol chaque! Ils vendaient aussi pleins de produits à base de coca, comme de la farine ou de l’alcool, mais vu que c’est interdit d’en rapporter au Canada, bin j’ai rien acheté.


Retour à Quillabamba


Après avoir mangé notre gâteau, on a regardé une autre partie de la mise en scène. Mais vu que les nuages se formaient déjà et qu’on était loin de chez nous, on a pensé qu’il valait mieux partir. La seule chose qu’on a manqué du reste du festival était le concours «Coca Pallay» (récolte de coca), mais je peux pas me plaindre, parce que j’ai quand même vu tout le reste! Pis ça me donne une excuse pour revenir l’année prochaine.

Si vous voulez en voir plus, voici un vidéo de l’évènement fait par les organisateurs! J’ai aussi écrit sur la tradition de la Yunsada, si jamais vous intéresse, qui est une cérémonie de danse autour d’un arbre.



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